Lors de la mort d’Elizabeth II en septembre dernier, les Britanniques ont perdu la souveraine ayant régné le plus longtemps sur leur pays. Presque aucun n’avait connu d’autre monarque qu’elle. Les Français se sont sentis orphelins également. Les éditions spéciales se sont enchainées à la télévision, à la radio et dans les magazines. L’hexagone est l’un des seuls pays, en dehors des îles britanniques et des pays du Commonwealth, à avoir consacré autant de temps d’antenne et autant de pages à cet événement.

Cela n’est pas étrange lorsque l’on connaît les liens de l’ancienne reine avec notre pays.

Une enfance francophone et francophile

Avant ses dix ans, la petite princesse Elizabeth, comme toutes les aristocrates de son époque, est élevée à la maison par des gouvernantes. La plupart d’entre elles sont françaises ou belges, permettant à la petite fille d’acquérir un excellent niveau de français. Elle développe également une affection particulière pour la France et Paris, dont le romantisme l’attire, elle qui a toujours eu un côté fleur bleue.

Ce romantisme qui l’habite lui vient sans doute de ses racines écossaises. Sa mère, Elizabeth Bowes-Lyon appartient à l’une des plus anciennes familles d’Ecosse. Elizabeth II descend ainsi, de par sa mère, de Mary Warner, arrière-petite-fille de Nicolas Martiau, un huguenot qui avait fui la France au XVIe siècle.

La jeune reine et la France

En 1948, la princesse Elizabeth représente officiellement son père à Paris. Elle est tout juste mariée avec Philip Mounbatten, et le couple représente l’avenir de la monarchie anglaise, jeune et glamour. Elizabeth est enchantée de se rendre à Paris. Les photos de ce séjour montrent une jeune femme tout sourire, heureuse de découvrir le pays qu’elle a étudié durant sa petite enfance. Les Français aussi sont totalement sous le charme du couple princier et d’Elizabeth en particulier, qui parle un français quasi parfait. Ils l’acclament lorsqu’elle apparait en public. Elle fait la Une des journaux et des magazines. L’histoire d’amour entre Elizabeth et la France commence.

La reine Elizabeth II en compagnie du président René Coty en 1957

Cette affection se développe rapidement. En effet, en 1957, Elizabeth II effectue son premier voyage d’état en France en tant que souveraine. Encore une fois, sa venue déclenche l’enthousiasme populaire dans l’hexagone. Elle rencontre René Coty, président à l’époque, dont elle garde de très bons souvenirs. Celui-ci et le gouvernement français ont tout fait pour l’accueillir en grandes pompes. Durant ses trois jours de visites, banquets, bals et feux d’artifice s’enchaînent à l’Elysée, au musée du Louvre, au château de Versailles et à l’opéra de Paris. A Garnier, elle est acclamée par la foule lorsqu’elle se présente au balcon.

La reine Elizabeth II et le général de Gaulle en calèche dans Londres - Getty Images

En 1960, elle accueille sur le sol britannique Charles de Gaulle. Elu président depuis un an, il n’est pas revenu en Angleterre depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il est acclamé avec ferveur par les londoniens lors de sa traversée de Londres dans le carrosse royal en compagnie de la reine. Elizabeth, qui n’a pas oublié l’accueil hors du commun qu’elle avait reçu trois ans plus tôt, reçoit Charles de Gaulle avec tout le cérémonial royal et le folklore britannique en action. Ces traditions sans âge, immuables, donnent un aspect désuet aux photographies de ce voyage, effectué pourtant à l’aube de la décennie de la contre-culture.

Charles de Gaulle est resté pour les Britanniques le héros de la Seconde Guerre mondiale, qui trouva refuge chez eux, auprès de Churchill, pour poursuivre le combat. Il incarne les liens forts que les Français et les Anglais ont forgé en combattant côte à côte durant les deux conflits mondiaux. Un lien important également aux yeux d’Elizabeth II.

Des combats communs, un devoir de mémoire et un lien éternel

Elizabeth II a beaucoup de respect pour ceux qui ont fait le sacrifice de leur vie durant la Seconde Guerre mondiale. A titre personnel d’abord, elle a vécu cette guerre et y a participé, elle a vu ses parents se battre et souffrir aux côtés de leurs sujets, son mari est militaire. A titre public ensuite, en tant que reine, elle est la cheffe des armées et du Commonwealth et Churchill a été son premier Premier Ministre.

La reine Elizabeth II et son époux au milieu des tombes d'un cimetière du Commonwealth - Getty Images

Ainsi, elle a toujours eu à cœur de rendre hommage aux soldats morts pour son pays. Elle participe régulièrement aux commémorations du débarquement en Normandie. En 2014, elle couple ces hommages avec sa dernière visite d’Etat en France. Elle est reçue par le président François Hollande qui rebaptise le marché aux fleurs de l’île de la cité à Paris « marché aux fleurs reine Elizabeth II ». La souveraine est touchée de cette attention car cela lui rappelle son premier voyage à Paris en 1948, sa découverte de la capitale française et du marché aux fleurs en question qui l’avait agréablement charmé. C’est le seul lieu public de la capitale qui porte son nom.

La reine Elizabeth II et le président F. Hollande inaugurent le nouveau nom du marché aux fleurs - Getty Images

C’est lors de ce voyage que le château d’Hardelot et son projet de théâtre élisabéthain lui est présenté lors d’une fête organisée à l’ambassade de Grande-Bretagne à Paris. Elle avait alors décrit le château comme « amazing » et avait posé de multiples questions sur le futur théâtre.

Les liens tissés durant le règne se perpétuent avec le début du règne de Charles III. En effet, celui-ci, qui est venu en France 34 fois en tant que prince de Galles et qui parle français comme sa mère, souhaitait réaliser sa première visite d’Etat en tant que souverain, en France. Même si ce voyage a été reporté, la volonté affichée par le monarque anglais est dans la lignée de celle de sa mère. Cette volonté de garder un lien privilégié avec la France a cependant des raisons différentes. Là où Elizabeth II voyait un attachement historique et sentimental, Charles III voit un lien pour forger le futur, notamment sur les questions climatiques.

Une nouvelle histoire entre le monarque anglais et la France s’ouvre…